Le média de l'agriculture et de la végétalisation urbaines

L'agriculture urbaine et périurbaine se développe pour "vivre mieux"

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Carmen Cantuarias-Villessuzanne et Mathilde Vignau de l'ESPI* proposent dans un article de recherche une analyse de l’agriculture urbaine et périurbaine occidentale en convoquant la notion de « capital environnemental ». Leur ambition : initier à terme une cartographie des acteurs et des expériences à l'échelle française.

Si l'agriculture urbaine et périurbaine (AUP) se développe depuis les années 70 dans les pays occidentaux, une différence majeure subsiste entre ceux-ci et les pays dits émergents. Les jardins partagés ou familiaux qui existent en France ou au Royaume-Uni recouvrent une dimension sociale très forte qui dépasse la seule volonté de subvenir aux besoins alimentaires des plus modestes. Les multiples acteurs investis dans ces pratiques n’agissent plus exclusivement pour des raisons quantitatives (comme dans les pays émergents) mais plutôt pour des raisons qualitatives (produits locaux et sains).

L'agriculture urbaine et périurbaine ne se développe pas pour "manger plus" mais pour "vivre mieux" : Elle a des rôles esthétiques, écologiques, sociaux.
Elle modifie les habitudes alimentaires et impulse une conscience environnementale et sanitaire.

Elle se définit ainsi par ses caractéristiques multiformes et multifonctionnelles qui dépassent le cadre de l’agriculture traditionnelle. Elle intéresse une multitude d'acteurs, allant des associations, aux start-up, en passant par les promoteurs immobiliers.  Ainsi dans certains cas, on assiste à une privatisation progressive d'un bien commun (la nature) pour en faire une opportunité économique. De petites entreprises privées réinvestissent les toits urbains pour proposer aux citadins la location d'un potager. Le coût de l'abonnement a tendance à créer une sorte d'entre-soi social loin des valeurs initiales de l'agriculture urbaine. En parallèle, des promoteurs immobiliers s'emparent de l'agriculture urbaine comme d'un nouvel outil marketing en l'intégrant dans leur projet.  

Une analyse sous le prisme du "capital environnemental"

Il s'agit de considérer « l’ensemble des investissements (socio-économiques, idéologiques, émotionnels, politiques, artistiques...) » réalisés dans l’environnement, par différents acteurs selon leurs « représentations », leurs « intérêts » et leurs « systèmes de valeurs ».  Cette notion de capital environnemental (CE) fournit alors une nouvelle grille d’analyse pour l'étude des divers projets d'agriculture urbaine et périurbaine en intégrant l’influence des capitaux existants (économiques, culturels, sociaux...) dans la réalisation de ceux-ci ou encore en interrogeant les différentes conceptions de l’environnement (en tant que paysage, patrimoine naturel, cadre de vie, projet politique, etc.) portées par les différents acteurs. 
L'analyse du CE de l'agriculture urbaine dans certaines métropoles françaises révèle l'inégale capacité des individus à accéder effectivement aux espaces de nature. Les différentes formes de nature en ville sont profitables à tous mais certaines situations de requalification de l'espace peuvent créer des inégalités. Certains "jardins" génèrent des processus de gentrification des quartiers et les études ont révélé que les jardins partagés attirent prioritairement des citadins issus d'une certaine classe sociale. 
L'environnement constitue alors une nouvelle forme spécifique de capital, un champ particulier d'activation des autres formes de capital (symbolique, culturel, social) avec une forte valeur spatiale. 

Finalement, des opportunités à nuancer

Si les externalités positives qui en découlent sont nombreuses, il ne faut pas occulter les freins et les limites qui existent autour de tels projets. La ville n’est pas le territoire privilégié de la production agricole et les interrogations concernant la pollution urbaine, ou les qualités organoleptiques et sanitaires de productions urbaines hors sol sont des éléments qui peuvent nuancer la portée réelle de l’agriculture urbaine. En outre, derrière les idéaux du petit coin de terre et de la nature retrouvée, se cachent parfois les nouveaux instruments d’une économie de marché plus compétitive et libérale. Une telle approche laisse finalement planer, sur les projets, le spectre de la gentrification des paysages ou des espaces verts et des injustices territoriales d’exclusion par les prix du foncier.

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