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Sous la cité, les champs : visite du site de Champerché

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À Sartrouville (78), au milieu des tours de la Cité des Indes, une timide pancarte indique l’entrée du dernier site de Champerché. À l’intérieur, rien ne laisse transparaître l’ancienne fonction de parking : les places de stationnement ont laissé place à la culture en hydroponie.

Clément Delhomme, chargé de relations publiques chez Champerché, nous accueille dans les couloirs de la ferme high tech. Au centre, un open space donne vue directement sur des plantations éclairées par des lampes LED. Aromates 1, aromates 2, chaque salle a son nom et sert de lieu de culture à différentes plantes. Entre les blettes, laitues, menthes et persils, les agriculteurs effectuent leur cueillette au gré des commandes. Ouvert en avril 2021, le site fait 1300 m² dont 700 dédiés aux cultures. Une surface, certes, modeste, mais dont Clément Delhomme vante la productivité.

« Sur 42 m² on produit environ 2,7 tonnes d’aromates, ce qui en fait une ferme 216 fois plus productive qu’un champ classique »

Dans une salle dédiée aux aromates, Guillaume, paysagiste reconverti en agriculteur urbain, prépare des bouquets d’oseille. Menthe, coriandre, aneth, bourrache, capucine : il nous fait découvrir les différents aromates cultivés dans sa salle toute l’année. Les cultures, réparties sur des étagères d’1 m², évoluent au rythme de cycles jour-nuit des LED, dont les coloris sont ajustés entre teintes violettes et blanches pour permettre une productivité optimale. L’absence de saisons permet une production ininterrompue et maintient les plantes dans un printemps artificiel, ce qui permet à certains pieds de basilic d’atteindre une durée de vie de trois ans : « des bonsaïs » nous dit Guillaume. En effet, la récolte partielle sur les pieds permet de les maintenir en vie, et ainsi éviter de repartir de la graine, ce qui représente un gain de temps considérable.

« Ce matin, sur cette seule étagère j’ai récolté environ 2,5 kilos de menthe, et je fais ça tous les quinze jours »

Dans les couloirs de la ferme courent les tuyaux d’alimentation. À l’intérieur circulent les « soupes », des liquides chargés en nutriments optimisés en fonction des cultures. Injectées toutes les trois minutes dans le circuit, elles contiennent des engrais organiques compatibles avec l’agriculture biologique, parfois complétés par du compost immergé produit sur place. Les cultures appliquent le principe de bioponie (hydroponie inspirée du modèle Bio), mais, comme toute culture hors-sol, ne peuvent recevoir la labellisation « AB ».

« On utilise que des engrais organiques, on fait que des semences paysannes bio, on n’ajoute pas d’OGM,
pas de produits chimiques et pas de fongicides »

En effet, si la culture est sous atmosphère contrôlée, elle n’échappe pas pour autant aux espèces parasites. Face aux pucerons et autres espèces invasives, les agriculteurs utilisent des espèces amies du jardinier à l’instar des chrysopes, coccinelles et guêpes parasitoïdes. En parallèle, certains traitements aériens biologiques peuvent être utilisés en l’absence d’insectes.
Au-delà de la production, Champerché accueille un atelier de transformation qui permet de transformer les surplus en produits finis comme des financiers au basilic, du pesto, ou encore des crackers. Grâce au financement par le plan France Relance, l’atelier peut distribuer ses produits correspondant aux normes des grandes et moyennes surfaces (GMS). En plus du financement de l’atelier, Champerché a bénéficié de plus de 327 000 euros au titre de lauréat de l’appel à projet « Quartiers Fertiles » de l'ANRU. Cette subvention a ainsi contribué à l’équipement de la ferme de Sartrouville dans une dynamique d’économie sociale et solidaire sur un territoire marginalisé par l’emploi et la technologie.

« L’objectif, ça a été de créer de l’emploi ultralocal puisque depuis 2015, personne n’a créé d’emploi sur la cité des Indes »

Alors que certaines structures d’agriculture urbaine s’appuient sur des activités tierces, l’entreprise souhaite développer des fermes rentables et voit désormais plus loin que les légumes-feuille et aromates. Sur sa première ferme de Paris, qui emploie deux employés en CDI fait « environ 100 000€ de chiffre d’affaires » un modèle rentable dont le principe sera appliqué à Sartrouville. La production est distribuée aux GMS, restaurants et amaps. Les ambitions sont grandes, puisque Champerché souhaiterait être « un des premiers acteurs de production maraichère en Île-de-France d’ici 2030 ». En expérimentant de nouvelles variétés, Champerché ne vise plus seulement les aromates et laitues. Clément Delhomme insiste sur le rôle de complémentarité des fermes hydroponiques avec le maraîchage traditionnel : « Notre but, ce n’est pas de faire de la concurrence aux agriculteurs locaux, mais de produire ce qui ne peut pas être produit en local ».
À l’avenir, la société souhaite s’étendre avec trois nouvelles fermes en Île-de-France d'ici 2026, dont une à Epinay-sur-Seine, toujours dans un objectif de revalorisation de locaux. Une nouvelle levée de fonds de 100 millions d'euros aura lieu d'ici la fin de l'année pour installer plusieurs fermes urbaines de grande envergure.

Texte Nicolas Ginestière, photos Giovanni Del Brenna
 

Les grandes données :
- Le système de Champerché permettrait d'être 216 fois plus productif qu'un champ classique
- Contrairement à l'égriculture traditionnelle, le modèle hydroponique permet des cycles de culture de quatre semaines en moyenne
- Sur les 700m² dédiés au cultures, la ferme de Sartrouville produit l'équivalent de 24 ha de champs
- La première ferme urbaine de Champerché a un chiffre d'affaires de 100 000€
- Champerché ambitionne d'être en mesure de produire "un quart de la production nécessaire pour alimenter l'Île-de-France en produits maraîchers" d'ici 2030
- Une nouvelle levée de fond de 100 millions d'euros aura lieu d'ici la fin de l'année 2022

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