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Comment « Repenser le monde par l’alimentation » ?

2022-10-24-18.34.01 Comment garantir à tous et toutes une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement et de la santé ?

Pour le premier d’un cycle de six webinaires mensuels autour des projets de transition agricole et alimentaire menés par les territoires, le 100e Singe* a reçu Nicolas Bricas, chercheur au CIRAD et titulaire de la Chaire Unesco Alimentations du Monde, pour réfléchir aux manières de "Repenser le monde par l’alimentation".

Face aux crises et aux situations d’instabilité que l’on connaît aujourd’hui (bouleversements environnementaux, accélération de la montée des prix alimentaires suite à la guerre en Ukraine, détresse et mobilisations des agriculteurs partout en Europe…), la nécessité d’inventer des alternatives à notre système agricole et alimentaire industriel se fait de plus en plus sentir, et des propositions émergent localement.

Notre système agricole et alimentaire industrialisé a apporté d’incroyables avantages, mais n’est ni généralisable ni durable.

Comme le rappelle l'enseignant-chercheur, si on a du mal à sortir de notre système agricole et alimentaire moderne- industrialisé, c’est qu’il a apporté d’énormes avantages dont il est difficile de se sevrer.
D’une part, une augmentation considérable de la productivité et des rendements agricoles, permise par l’utilisation massive d’énergies fossiles à faible coût, l’avènement de la chimie, de la génétique et des biotechnologies, la mécanisation, l’automatisation et la spécialisation des productions.
D’autre part, une augmentation de la production et de la disponibilité alimentaire par habitant, ayant même conduit à une situation de surproduction alimentaire (production supérieure à ce qui permettrait un apport de 2000 kcal par habitant et par jour) depuis les années 1980. Cette explosion de la production et de la disponibilité alimentaire a permis d’autres mutations notamment une urbanisation massive, les agriculteurs pouvant produire plus, pour de plus en plus de personnes qui ne produisent pas et s’éloignent de la terre.

Un modèle ni généralisable, ni durable

Or malgré ces avantages, il apparait que ce modèle de production et de consommation n’est ni généralisable ni durable et pose un certain nombre de problèmes. Tout d’abord, un problème de ressources, qui se perçoit par plusieurs phénomènes : effondrement global et massif de la biodiversité, épuisement des sols, des réserves d’énergies fossiles et des mines de phosphate, indispensables pour la production des engrais minéraux chimiques, crise de l’eau de plus en plus prégnante et amenée à s’aggraver avec le changement climatique (y compris en France, avec par exemple la sécheresse que connaissent cette année les Pyrénées Orientales causant d’importantes restrictions d’irrigation).
S’y ajoute un problème de saturation des milieux en polluants de différentes natures (plastiques, résidus chimiques, eutrophisation…) et d’émissions de gaz à effet de serre (l’agriculture représentant un tiers des émissions totales de GES à l’échelle mondiale).
Les problèmes sont enfin d’ordre sanitaire (surpoids et obésité, carences, résistances microbiennes, intoxications humaines aux pollutions environnementales), et socio-économiques (précarisation des travailleurs, iniquité dans le partage de la valeur liée à la production agricole, instabilité des prix). Tout cela ayant conduit à une prise de conscience des coûts sociétaux et environnementaux indirects importants de notre système alimentaire.
Alors face à cette liste de constats, quelles sont les pistes pour se mobiliser pour une transition agricole et alimentaire ?

Des propositions complémentaires et vertueuses émergent pour transformer notre rapport à l’agriculture et l’alimentation.

Nicolas Bricas cite plusieurs pistes pour repenser le monde par l’alimentation, qui émergent et méritent d’être approfondies et combinées. Cela passe d’abord par des initiatives pour produire, transformer, commercialiser, consommer autrement et reterritorialiser notre alimentation. Ces innovations sociales prennent des formes diverses, se revendiquant souvent d’un projet autant, voire plus politique que technique. Les exemples sont multiples. Citons les Projets alimentaires territoriaux (PAT), dispositif introduit en 2014 visant à fédérer les différents acteurs d’un territoire autour de la question de l’alimentation. Citons encore les épiceries sociales et solidaires, structures proposant des denrées alimentaires aux personnes en précarité, moyennement une participation financière très minime. Elles visent ainsi à promouvoir le renforcement du lien social, la solidarité et la santé par l’alimentation.

De telles initiatives doivent être encouragées, fédérées et généralisées afin de véritablement prouver leurs effets et parvenir à leur objectif de rééquilibrer les forces dans la gestion du système alimentaire.

Car c’est bien d’un changement de paradigme politique et sociétal qu’il s’agit, plus encore que de changements de comportements individuels. Comment garantir à tous et toutes une alimentation de qualité, respectueuse de l’environnement et de la santé ? Comment mieux former les décideurs d’entreprises et les politiques aux questions d’agriculture et d’alimentation? Quel rôle doit jouer le niveau local dans la détermination des politiques agricoles et alimentaires? Comment inclure davantage les citoyens dans les débats autour de ces questions?
Tant de questions ouvertes et de leviers de mobilisation à combiner. La suite du cycle de webinaires ainsi que le Salon international de l’agriculture qui s’ouvrira ce samedi 24 février à Paris, serviront d’espaces de rencontres et de diffusion d’idées riches et fertiles.

Article écrit avec la collaboration de Celia Etard

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