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Magali Talandier : "Pour une transition écologique solidaire, à la fois socialement et spacialement"

Magali Talandier est professeure en urbanisme et aménagement du territoire à l'Université Grenoble Alpes. Elle s'est exprimée dans FranceUrbaine, le 20 juillet 2020. 

 


La crise sanitaire a entraîné de graves conséquences aussi bien économiques, sanitaires et sociales… Comme voyez-vous les choses pour « reconstruire » le pays ?

 

Vous avez raison, la crise sanitaire aura sans doute de graves conséquences économiques. Par contre, il est encore un peu trop tôt pour savoir quels seront exactement ses impacts sociaux et spatiaux. Des secteurs et catégories d’emplois apparaissent intensément touchés à court terme (tourisme, commerce), mais pourraient rebondir rapidement (ou pas) selon l’évolution de l’épidémie. Des secteurs déjà fragilisés avant la crise sanitaire, comme certaines filières industrielles, pourraient en revanche ne pas se redresser. A mon avis, nous devons surtout changer de logiciel d’analyse et d’action. Jusqu’à présent le développement économique d’un territoire n’est appréhendé qu’à travers la capacité du territoire à capter des ressources externes et, bien souvent, à s’insérer dans des réseaux internationaux. Si l’on raisonne à présent non plus en termes de dynamique mais en termes de résilience, la valorisation des ressources productives locales pour mieux résister aux chocs externes compte tout autant. Pour vous donner un exemple, la recherche urbaine met en lumière depuis quelques années le rôle que jouent les « KIBS » (knowledge intensive business services) ou services supérieurs aux entreprises dans les économies locales. Ces activités métropolitaines sont des facteurs d’innovation et de croissance. Si l’on s’interroge à présent sur les facteurs de résilience des villes, d’autres activités apparaissent tout aussi stratégiques. Il s’agit bien sûr des secteurs de développement humain (santé, éducation, action sociale), mais aussi d’activités de production locale (alimentation, énergie, logistique…). Il ne s’agit donc pas d’inventer des collectivités ou des modes de vie autarciques et fermés, mais de revoir nos logiciels et nos priorités d’action.

 

Quel rôle les territoires urbains peuvent-ils jouer dans la relance et le « monde d’après » ?

 

Les territoires urbains ont une grande responsabilité dans le processus de relance et l’invention d’un nouveau mode de développement économique, plus économe en ressources, plus résilient. Ces territoires sont à la fois producteurs et consommateurs de ressources, démonstrateurs, leviers d’innovation, mais également moteurs de solidarité sociale et spatiale. Les attentes pour construire des villes, des réseaux de villes, inventives et adaptées aux nouvelles problématiques et contraintes sont très grandes. L’un des enjeux à mon sens primordial est d’arriver à engager une transition écologique, qui soit à la fois solidaire socialement et spatialement. Il me semble que c’est l’un des défis majeurs auquel doivent rapidement répondre les métropoles.

 

France urbaine prône depuis de nombreuses années « l’Alliance des territoires » et refuse l’opposition stérile entre l’urbain et le rural. Comment analysez-vous cette logique ?

 

Je suis assez inquiète quant aux conséquences sociales et spatiales de la crise. Certaines professions et milieux sociaux ont été largement plus exposés et fragilisés par la pandémie et ses conséquences économiques. De même, si l’on devait se diriger vers une intensification du télétravail, les risques d’inégalités pourraient être accrus entre les cadres et professions supérieures (largement surreprésentés dans les télétravailleurs) et les autres salariés. Tout ceci aurait alors des conséquences spatiales pas nécessairement positives. On peut craindre que les ménages les plus favorisés quittent les villes pour s’installer dans des périphéries parfois déjà très gentrifiées. Dans tous les cas, je crois, en effet, que les oppositions entre ville et campagne ou les appels à une revanche des espaces périphériques ne nous mènent à rien. La ville et la campagne sont les deux facettes d’un même modèle territorial. Nous avons alors une responsabilité pour rendre visible ces liens, mais aussi les risques de rupture quand ils existent et ainsi redéfinir les fondements d’une réciprocité territoriale.

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