La commission des lois de l'Assemblée nationale propose de réformer le statut du fermage instauré en 1945 pour s'adapter aux évolutions du secteur agricole. Son rapport, présenté le 22 juillet 2020, propose de mettre en place des incitations fiscales pour encourager la mise à bail des terres agricoles, d'adapter le mode de calcul du droit de fermage pour qu'il corresponde davantage à la rentabilité économique de l'exploitation, et de simplifier le contrôle des structures.

 


Une version écrite obligatoire, plus de contrôles, des incitations fiscales… La mission d'information de la commission des lois de l'Assemblée nationale a rendu public le 22 juillet 2020 son rapport sur le régime juridique des baux ruraux.

Avec une conclusion principale : le statut d'ordre public du fermage, né en 1945, ne doit pas être cassé, mais doit évoluer pour être davantage attractif et donner plus de sécurité aux uns, les propriétaires de terres agricoles, et aux autres, les exploitants agricoles. "Lors de nos auditions, nous avons pu comparer les points de vue, qui n'étaient pas diamétralement opposés sur le statut, et personne ne nous a dit qu'il fallait tout casser ou tout changer", a ainsi signalé Antoine Savignat, député LR du Val-d'Oise, lors de la conférence de presse de présentation du rapport.

 

Ensemble des règles concernant les droits et obligations du bailleur

 

Ce statut correspond à l'ensemble des règles qui encadrent les droits et obligations du bailleur (le propriétaire d'une terre agricole) et du preneur (le locataire, ou exploitant agricole) dans le cadre d'un bail rural. Il a été mis en place dans les années 1940 à un moment où l'agriculture française avait besoin de moderniser ses techniques de production.

Au cœur de ces règles : le pouvoir social du propriétaire bailleur sur les fermiers, avec une durée minimale du bail de 9 ans, un droit au renouvellement pour le preneur, une indemnité à l'expiration du bail pour les améliorations apportées par le preneur, un droit de préemption du preneur, la création de tribunaux paritaires des baux ruraux pour traiter les litiges, et un montant de la rente foncière avec un loyer fixé par arrêté préfectoral. Des règles qui s'appliquent à l'ensemble des propriétaires de biens agricoles (terres, prairies naturelles ou artificielles, vignes et autres cultures pérennes, bâtiments d'exploitation et d'habitation attachés à l'exploitation) et à l'ensemble des personnes exerçant une activité agricole à titre professionnel. Le statut vise à protéger les exploitants dans l'exercice de leur activité en leur permettant d'accéder à des terres et en leur garantissant stabilité et visibilité, afin de les inciter à investir.

 

Pas de choix ni du montant du fermage, ni de sa durée, ni du preneur à bail


Mais au fil des années, et face aux grandes transformations du secteur qui ont eu lieu (évolutions des modes d'exploitation, transition écologique), le statut semble dépassé. "Le propriétaire n'a ni le choix du montant du fermage, ni le choix du preneur à bail, ni de la durée du bail", a insisté Antoine Savignat lors de la présentation du rapport, estimant qu'il y avait eu en réaction une forme de défiance, voire de "désamour" du statut de la part des propriétaires.

 

 

Encourager la mise à bail des terres agricoles

 

Alors pour le faire évoluer, et reprenant une partie du travail mené au sein de la Fédération nationale des syndicats d'exploitations agricoles (FNSEA), la mission propose notamment de prévoir des incitations fiscales destinées à encourager la mise à bail des terres agricoles, à l'image de celles qui existent dans le cadre des baux à long terme (abattements fiscaux et exonérations fiscales).

Autres propositions : limiter la possibilité de renouvellement du bail à trois fois, soit 36 ans maximum et faciliter les résiliations en cas de défaut d'entretien et de non-paiement des fermages. "Si le bail est écrit, il y a un état des lieux à l'entrée et à la sortie, le défaut d'entretien est alors plus facile à appréhender", a détaillé Jean Terlier, député LREM du Tarn.


 

Les rapporteurs estiment aussi qu'il faut autoriser les parties à s'accorder par écrit sur la possibilité d'activités annexes (chambres d'hôtes, production d'énergie, agritourisme…) ou de sous-locations temporaires en contrepartie d'une majoration du fermage ou d'un partage des revenus.

 

L'idée est aussi d'engager une réflexion pour que les prix des fermages soient réévalués pour correspondre à la réalité économique des exploitations.

"Il ne s'agit pas d'augmenter le prix mais d'adapter le mode de calcul en fonction de la rentabilité économique que peut dégager l'exploitation", a détaillé Jean Terlier.

 

 

 

Une proposition de loi pour porter ces changements ?


Les deux députés proposent égélement de simplifier le contrôle des structures en étendant celui-ci aux cessions partielles des parts sociales de sociétés et en élargissant le régime déclaratif aux cessions intrafamiliales. Un dispositif que la FNSafer défend depuis longtemps pour mieux contrôler les cessions de terres et surveiller la financiarisation de l'agriculture.


Reste la question du calendrier pour la mise en œuvre de la réforme du droit de fermage. La préparation par le gouvernement d'une grande loi foncière avant la fin du quinquennat semblant s'éloigner du fait du bouleversement du calendrier législatif du fait du Covid, les députés misent sur une proposition de loi.

"Nous ne souhaitons pas que cela reste lettre morte, a assuré Antoine Savignat, et nous comptons bien en discuter avec le nouveau ministre de l'Agriculture."