L’urbanisation galopante accentue les problématiques liées à l’insécurité alimentaire. Parmi les alternatives qui participent à faire face aux risques déjà bien réels, l’agriculture urbaine se matérialisant par des micro-fermes ou des potages urbains, peut apporter des réponses réalistes. Rélexions de Mohammed El Kettani, urbaniste Qualifié OPQU - Expert International Smart Cities & Développement durable

 

"L’agriculture urbaine implique un changement structurel dans la fabrique de nos villes. Ce nouveau mode de production, qui impacte le métabolisme urbain, permet d’impulser des méthodes novatrices pour vivre autrement et nourrir les populations différemment. L’objectif capital est de rendre les villes plus résilientes, et de préserver les ressources foncières et naturelles en permettant en même temps de lutter efficacement contre l’étalement urbain.

 

Apaisement et tranquillité des villes

 

Cette d’agriculture en milieu urbain est un facteur de mieux-être au vu de sa contribution dans l’apaisement et la tranquillisation des villes. Elle est en mesure de réconcilier les citadins avec la nature tout en leur offrant une nourriture saine et respectueuse de l’environnement.

Il apparait stratégique de prendre en compte l’agriculture urbaine et la planification alimentaire dans les plans d’aménagement pour porter une vision long-termiste. Aussi, le renforcement des circuits courts est central dans l’expansion des initiatives en faveur d’une agriculture responsable et écologique. En outre, l’agriculture urbaine participe aussi aux systèmes de l’économie circulaire par la réutilisation de certains déchets issus de la ville.

Le concept de l’agriculture urbaine passe à une phase opérationnelle via l’apparition des projets visionnaires dans chaque continent. Le Canada est considéré aujourd’hui comme le laboratoire international de l’agriculture urbaine grâce à la multiplication de projets de grande envergure. Le focus est mis essentiellement sur la R&D et l’implantation de fermes urbaines inclusives, impactantes et différenciantes. Dans ce sens, la ville de Montréal met en œuvre des parcours ludiques et attractifs sur des toits d’immeubles végétalisés dans le but de favoriser le tourisme durable.

 

Exemples en Australie, en Afrique

 

En Australie, les efforts pour la généralisation des pratiques liées à l’agriculture urbaine sont reconnus au niveau mondial. L’exemple de la ville de Melbourne est très inspirant. En effet, à travers la start-up opérant dans l’agriFood- Farmwall, qui mise sur l’automatisation des systèmes, des fermes verticales ont été installées dans les immeubles de grande hauteur, les cafés, les restaurants, les écoles et les bureaux, pour étendre la démarche d’une consommation très locale à toute la ville. Dans cet état d’esprit, l’engagement des communautés locales, via l’animation des ateliers participatifs, est un moyen pérenne pour tisser des liens sociaux.

En Afrique, l’association le toit en vert milite pour installer des fermes sur les toits et balcons des immeubles dans la ville de Casablanca au Maroc. D’autres régions dans le pays à fort potentiel agricole comme Fès-Meknès s’apprêtent à expérimenter des micro-projets en la matière.

 

Des systèmes complémentaires

 

S’agissant de la France, plusieurs villes développent des projets protégeant la biodiversité et réduisant l’empreinte carbone. Plus particulièrement, la ville de Paris s’investit de manière considérable dans l’agriculture urbaine via la programmation de la ferme grandissime Paris Expo qui encourage une production plus responsable en s’ouvrant davantage à la population parisienne.

D’une certaine façon, les systèmes hydroponiques sont des modes adaptables au milieu urbain. Ils viennent de toute évidence en complément des cultures en sol et permettent à la fois d’avoir une bonne qualité nutritive et de faire des économies d’eau importantes grâce au circuit fermé.

Par ailleurs, les nouvelles technologies assistent les agriculteurs dans l’adaptation de tout le cycle productif, en les connectant plus fortement aux consommateurs qui pourront accéder à la traçabilité des produits commercialisés.

En clair, le progrès technologique aide à changer les mentalités pour adopter les bonnes pratiques au bon moment et profiter pleinement des potentialités d’une agriculture de proximité. En totale cohérence avec la croissance des villes intelligentes, l’agriculture urbaine peut être plus précise, adaptative et minutieuse, grâce aux objets connectés et l’analyse ciblée des données. Durabilité et intelligence urbaine forment un seul bloc et promeuvent des villes plus humaines et vivables.

 

Manque de connexion et de coordination des initiatives 

 

On remarque actuellement un manque de connexion et de coordination des initiatives qui poussent un peu partout. Il parait donc judicieux de se focaliser sur l’émergence des écosystèmes réglementaires, locaux et technologiques, inhérents au déploiement d’une agriculture sociale et économique à grande échelle, et basée sur des modèles viables et durables.

Une chose est sûre, l’agriculture urbaine ne suffira pas pour garantir l’alimentation de tous les urbains à moyen terme. C’est pour cette raison, qu’il est incontournable de renforcer les relations entre la ruralité et la ville pour parvenir à un modèle de production équilibré et qui profite à tous."

Tribune publiée dans Forbes